Tous des vainqueurs

Publié le par Birdy


        100Km de Belvès - 24/04/2006

       Depuis le temps que l’on en parlait… depuis le temps que l’on y pensait…

 Depuis le temps aussi qu’on le redoutait, il fallait bien que ce fameux Samedi 22 Avril 2006 arrive… pour nous réunir du côté de Belvès au creux d’un p’tit bois accueillant plus propice à la sieste réparatrice (je ne citerai personne…), au pastaga des familles, à la partie de pétanque estivale…qu’aux défis les plus osés, qu’aux souffrances sans limite…
 
Et pourtant…

 Quand le clairon au fond des bois s’est mis à cracher son envie d’en découdre, devancé par le coq de fort peu…c’est vous dire si il était tôt…c’est vous dire aussi si les yeux étaient embués d’une nuit à trouver le sommeil… c’est vous dire encore que les sourires n’étaient que façade, et « la trouille » bien réelle ancrée aux creux des ventres…
Bien sur l’humour fusait encore, mais quelque part, toute proche, tapie au fond de chacun la sourde inquiétude de celui qui part à l’aventure, s’attaquer à son « Everest » sans certitude de l’atteindre…
Capt’aine Anna et son intendance avait tout prévu, un coup de douche et une bolée de p’tit déj’ plus tard, tout le monde savait ce qui lui restait à faire….ou à peu près…ou faisait semblant…
 La première vague d’accompagnateurs, « les Jalabert du 100 bornes » faisaient vrombir leurs « deux roues », sollicitant leurs mollets frémissants (enfin, dans l’ensemble…) pour aller rejoindre le premier point de contact officiel, la cavalerie légère assurait la protection et le transport de « nos » coureurs (euse) pour les déposer au plus près du fatidique lieu de départ…
       Le reste de la troupe allait se dilapider dans « leurs chariotes à moteur » investissant les rives encore très calmes de la Dordogne, pour se positionner dans un environnement délicieux du nom de « La Roque Gageac ».
Un œil sur le chrono…une pensée pour les « bleu-blanc » plantés sur la ligne de départ…8H venait de s’allumer comme la mèche d’une longue aventure avec au bout l’explosion d’un bonheur de « l’avoir fait ».
 Impatient des premières nouvelles de « Radio-CAL », les portables commençaient à frétiller, les forfaits c’est sur…allaient exploser…mais l’important en ce jour était ailleurs.
 Premiers passages des « bleu-blanc » signalés, 10 bornes une heure, une mise en route, un hors d’œuvre, les premières sensations, le stress qui s’enfuit, ça y est l’histoire de chacun peut s’écrire…pourvu qu’elle soit belle…
        Les Dieux du ciel semblaient décider à protéger nos forçats du bitume, à ne point alourdir « leur immense tâche » et à glisser un doux lit de nuages pour calmer les ardeurs de ce coquin de soleil…
 La Roque Gageac » n’était pas pressée de nous offrir nos premières émotions de supporters…et pourtant, instant tant attendu, là-bas tout au loin, quelques frémissements, un motard, puis la voiture aux gyrophares pour un premier frisson, ouvrant la route aux caïds de la spécialité, foulée rapide, appuis toniques…
Dites-moi qu’ils ne tiennent pas cette allure cent bornes ou je me reconvertis dans l’instant…
          C’est alors un défilé « de fiers gaulois » aux allures tellement différentes mais tous plus motivés les uns que les autres, souvent encore avec le sourire et le verbe « railleur »…30 Kms comme une rigolade !
 Philippe trouve le bon goût de pointer le bout de son nez en porte drapeau du CAL, pour une ovation bien méritée de nos « pom-pom » girls en folie… suivent les deux Olivier, jusque là tout baigne dans l’huile (bah oui …Olivier…pour ceux qu’aurait le neurone encore en vacances)…puis notre trio infernal Ginette, Patrick, Dominique appliquant la technique de « La Fontaine »…vous savez …qui part piano…
 Vitrac pour un premier passage, serait notre prochaine position stratégique….celle du casse-croûte, élément incontournable d’une organisation sans faille, celle aussi d’une satanée boucle qui allait commencer à délivrer les vérités du jour et les douleurs à venir…car s’il semblait évident que les troupes étaient passés relativement fraîches au 35, il n’en serait sans doute plus tout à fait de même au second passage marquant le 55ème
          Heureusement les supporters ne mollissaient pas, entraînés par l’inépuisable bonne humeur de notre « Fifi national », sonnant le rappel des troupes dans les vallons avoisinants, cet homme là c ‘est de la gentillesse en barre, il devrait être remboursé par la Sécurité Sociale….
        Pendant ce temps la chorale du CAL entonnait le très fameux « jour le plus long » revu et corrigé par la plume habile d’un auteur fort sympathique lui aussi, du nom de Christian…
 Enfin bon…tout ça pour vous dire que je commençais bizarrement à sentir monter un chouïa la pression…Philippe approchait, toujours en tête, et je devais prendre le relais du gars Pierre en tant qu’accompagnateur privilégié du « leader virtuel » du CAL, une sacrée « putain » de responsabilité…
 Je vérifiais encore et encore si…le sac de rechange était prêt…combien de gels ?…les amphétamines…ah non ! ça je devais pas le dire…le bidon il est ou ?…et le téléphone qui sonne…et le coup d’œil sur la montre, il ne devrait pas tarder…Pour un peu je serai plus stressé que lorsque je suis coureur…
 « Radio CAL » annonce la jonction entre « le Jeg » et Olivier, Phil devant mais….si peu….quelque chose me dit que…
           Derrière, excepté quelques pieds qui auraient une vague tendance à s’illuminer (bah oui avec les ampoules…), le moral est bon, et si « La Fontaine » encore une fois avait raison…ils sont pas loin les bougres…
Phil arrive…premières impressions…esprit clair, organisé, mais les jambes…pas totalement fraîches, changement de chaussures pour modifier les points de frottements, Pierre cool…me passe le vélo, enfin je deviens acteur…secondaire d’accord, mais acteur.
Pendant que le « père Guérin » boit sa p’tite soupe de poule (même pas peur de la grippe de bavière…) et s’fait tripoter les jambes par sa n’ana, semblerait que « le Jeg » est un p’tit coup de blues et ne soit pas au mieux, mais bon la vie est ainsi faite que la vérité du jour n’est pas celle du lendemain…
Et Patrick…Gigi…et le coach…bah…juste derrière, mais si peu « pas beaucoup »….quelque chose me dit…
Je me glisse discrètement dans la foulée de Phil, essaie de trouver l’équilibre pour surtout ne pas le gêner, mais aussi essayer de l’aider en lui changeant les idées…Tout à fait réactif et très tolérant à mes blagues « à deux balles », la complicité s’installe, vraiment un plaisir de partager un tel moment dans un décor souvent superbe.
Malheureusement…au fil des kilomètres nous rapprochant de La Roque Gageac…Phil à la sale impression qu’on lui a lâchement remplacé ses jambes « toutes neuves pas trop fatiguées » qu’allaient bien par deux bouts de bois, sans âme, qui grincent à chaque sollicitation…sans parler
de la tripaille qui lui fait le coup de « préparer la bassine »…
       C’est alors que Jésus résucité…euh non… « le Jeg » annoncé « mort agonisant », nous vole dans les plumes…nous bouffe d’un trait…avec le petit mot sympa bien sur…l’ultra c’est une autre planète ou l’on dit merci et souhaite bonne chance à celui qui vient de vous mettre le moral dans les chaussettes.
       Mais soyons franc, et sans une once d’un quart d’aigreur…ça arrange pas les choses quand on commence à couler de se faire passer par un bateau connu qui flotte encore…bonne chance à toi « guerrier »…
       Et puis…et puis « Radio Cal » qui grésille…Allo, Allo ! Ici la route du Tour…Ginette en difficulté…Dominique en contre…et…sponsorisé par « La Fontaine » (j’vous l’avais dit plus haut…) Patriiiiiiick ….que les pronostiqueurs les plus avisés, avaient omis de coucher sur leur tablettes après un début de course que certains jugeront inquiétant, alors que d’autres devineront « le vieux briscard qui se la joue tout en finesse », enfin bon tout ça pour dire qu’il revenait comme un avion ...p’t’être pas supersonique, mais un avion quand même…et un, « père Guérin » croqué…et deux,….et là j’y étais…je l’ai vu de mes yeux, vu…le Phil qui se fait enrhumer …par un des rares à c’t’heure et à ce niveau, à t’aligner une foulée présentable…chapeau bas, et bon vent…
        De notre côté…les choses ne s’arrangent pas… je dirai même…que ça « sent pire » (ah bon ! ça s ‘écrit pas comme ça…), j’en suis arrivé à essayer le mensonge…du style, « la plage avec le demi de bière » juste derrière le prochain virage, mais Phil est tout sauf « un cerveau mal fait », il sait…il sait déjà…
         Décontractyl, Doliprane, du liquide, du solide…on peut tout essayer, même un pansement sur une jambe de bois, mais quoi de plus rageant de sentir que le réservoir n’est pas vide, mais que chaque pas vous arrache la douleur…
         Un peu plus…un peu moins…la côte des Milandes comme un chemin de croix…arrivé un moment, on préfère ne plus rien dire, parce que toute parole devient inutile, il ne nous reste plus que la dérision…c’est une force, bravo Phil, d’être capable d’en sourire, d’être capable de relativiser et de te préparer à la bonne décision…
             Entre temps Olivier « un p’tit peu moins mal que pire » nous dépose à son tour du côté des 75èmes rougissants…avec la même maladie que Phil « le syndrome des jambes de bois »…il nous fait tout de même la coquetterie de se remettre à courir, ah ! le taquin…accompagné de « Jaja » avec son superbe maillot de la Once, me serais-je trompé n’était-ce pas plutôt Juju, enfin seul les passionnés de vélo comprendront …
J’essaie, sans une énorme conviction, de proposer à Phil d’apprendre à compter au-delà de 80, mais l’affaire est pliée…c’est décidé…on bâche « avec les honneurs » à 80…la photo pour ne pas oublier…mais comment oublier ! ! !
         Orphelin sans âme, sur mon vélo, me vient un vieux réflexe d’ancien adepte du 52x14, un Once devant…
   Allez les gars, on mène la chasse, on fait rougir le grand plateau, pauvres coureurs…doivent me prendre pour un fada…en position de recherche de vitesse, je donne tout…maillot jaune à 300m…allez encore une dent…200m…j’entends les clameurs de la foule…le maillot jaune est pour moi…et là tout d’un coup…je me réveille dans le sillage d’un homme qui souffre avec son fidèle pèlerin…et je reprends tout de suite contact avec la vraie vie, si dure parfois…mais si belle !
Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, c’est au tour de Ginette de rendre les armes, victime d’un trop plein d’émotions, d’un trop plein de courage, pas cuite encore, mais avec la tête qui part dans les étoiles…je n’étais pas à tes côtés, mais je sais que tout le petit monde du CAL était très triste…l’œil humide de te voir nous quitter, à bientôt « championne »…
Et pendant ce temps là…devant …déjà loin…Patrick « La Fontaine » (vous savez…celui qui…au départ…) dévore tout le monde d’un bel appétit, « le Jeg » s’accroche avec tellement de courage et puis…et puis il y Frida qu’est belle comme un soleil…euh non …je m’égare, l’émotion sans doute, c’est plutôt le coach avec sa belle foulée de marcheur, que l’on annonce dans les parages…et qui nous grille la politesse à l’orée du 90 et des poussières …(je sais …ces poussières peuvent être terribles…), Anna se joint à nous pour aider « son homme »…
Les encouragements de Phil devenu supporter, Nicole et Pierre, Gigi, Do et l’homme au clairon, j’ai cité Fifi, ne seront pas de trop…chaque aide…chaque parole…chaque complicité…à cette instant de la course devient inestimable…
Pardon à Patrick et au Jeg, de ne pas avoir assez porté attention à leurs remarquables chronos, leurs courses pleine d’intelligence et de courage, au coach qui s’enfuit devant nous…et que seules quelques crampes auraient pu arrêter, mais juste devant moi je comprends enfin par quoi il faut passer pour devenir un cent-bornard…bien au delà de la course, une lutte contre soit même, au delà des limites.
 Magnifiques conquérants de l’inutile, que cherches-tu derrière tant de souffrances ?…
 Alors que Belvès se refuse à nous offrir au loin ses premiers contours, la nuit commence sérieusement à nous recouvrir de sa robe noire, comme pour ajouter un peu plus à l’émotion de l’instant, l’angoisse d’Anna devant cet automate qu’est devenu Olivier, ce n’est plus une foulée mais une plainte, la voix de Fifi pleine de respect dans ses encouragements, Juju fidèle parmi les fidèles, et moi derrière qui n’ose plus rien dire…il est des moments ou les paroles expriment moins que le silence…
 Enfin les premiers lacets de cette interminable montée de Belvès, dans la nuit, tous ensemble autour de notre « héros du jour », tranche de vie forte et belle… et cette ligne d’arrivée qui enfin s’offre à vous, usé d’avoir tant espéré, trop laminé pour vraiment la goûter, main dans la main Perrine Anna, un écho diffus de tous les encouragements de « tes frères de sueurs » aux abords d’arrivée….ça y est tu l’as fait…tu peux enfin laisser vivre ton corps et le laisser divaguer quelque peu dans ces instants d’après.

        BRAVO…bien au-delà du coureur respect à l’homme et son immense courage !
 
        BRAVO A TOUS ET A TOUTES…vous êtes des CHAMPIONS ! ! ! ! ! ! ! ! ! !
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